Précisions sur le licenciement du salarié au titre de séjour non renouvelé

2024-08-07T17:06:41+02:007 août 2024|

L’employeur ne peut conserver un salarié de nationalité étrangère qui n’a plus de titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France. Le licenciement du salarié au titre de séjour non renouvelé est fondé si l’intéressé n’a pas effectué de démarche pour le renouveler dans les deux mois précédant son expiration. Cette omission le prive du délai de trois mois lui permettant de continuer à travailler en l’attente du renouvellement sollicité (Soc., 29 novembre 2023, n°22-10.004). 

Pour pouvoir travailler en France, une personne de nationalité étrangère doit en principe disposer d’un titre de séjour (C. trav., art. R. 5221-3 ; CESEDA, art. L. 231-1).

Il est aujourd’hui acquis que l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger est une cause objective justifiant en elle-même la rupture du contrat (Soc. 4 juill. 2012, n° 11-18.840), même si cela ne constitue pas une faute grave (Soc. 23 nov. 2022, n° 21-12.125).

Encore faut-il bien comprendre à partir de quand le salarié au titre de séjour non renouvelé peut être considéré comme devenant en situation irrégulière. L’article L. 311-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit en effet qu’entre la date d’expiration de la carte de résident et la décision prise par l’autorité administrative sur la demande tendant à son renouvellement, dans la limite de trois mois à compter de cette date d’expiration, l’étranger peut justifier de la régularité de son séjour par la présentation de la carte arrivée à expiration et conserve son droit d’exercer une activité professionnelle. Mais qu’en est-il lorsque le salarié étranger n’entreprend pas les démarches nécessaires avant l’expiration de son titre ? C’est précisément l’hypothèse dont la chambre sociale de la Cour de cassation a eu à connaître et ayant donné lieu à l’arrêt du 29 novembre 2023.

En l’espèce, une personne de nationalité étrangère avait été engagée en qualité d’agent de sécurité.

La société de sécurité qui l’embauchait lui a – au cours de la relation de travail – demandé par lettre recommandée, de lui faire parvenir son nouveau titre de séjour au plus tard sept jours avant l’expiration de celui en cours de validité, en lui précisant qu’à défaut, il ne pourrait pas continuer à exécuter sa prestation de travail à compter de la date d’expiration de son titre de séjour. Quelques jours avant l’expiration, il lui a adressé une mise en demeure rappelant au salarié au titre de séjour non renouvelé la nécessité de produire un nouveau titre de séjour.

La société a ensuite notifié au salarié au titre de séjour non renouvelé la rupture de son contrat de travail pour absence de titre de séjour lui permettant de travailler sur le territoire français. Entendant contester cette rupture et entendant obtenir une indemnisation pour exécution déloyale du contrat, le salarié a saisi les juridictions prud’homales.

Les juges du fond accueillirent favorablement la demande en considérant le licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’employeur insatisfait de cette solution, forma un pourvoi en cassation.

La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie du pourvoi, va, au visa de l’article L. 311-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, et de l’article R. 311-2, 4°, du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-141 du 27 février 2019, casser la décision d’appel.

L’article L. 311-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit en effet qu’entre la date d’expiration de la carte de résident et la décision prise par l’autorité administrative sur la demande tendant à son renouvellement, dans la limite de trois mois à compter de cette date d’expiration, l’étranger peut justifier de la régularité de son séjour par la présentation de la carte arrivée à expiration. L’article précise encore que pendant cette période, il conserve l’intégralité de ses droits sociaux ainsi que son droit d’exercer une activité professionnelle.

L’article R. 311-2, 4°, du même code prévoit quant à lui que l’étranger qui séjourne déjà en France présente sa demande de renouvellement de sa carte de séjour dans le courant des deux derniers mois précédant l’expiration de la carte de séjour dont il est titulaire, sauf s’il est titulaire du statut de résident de longue durée-UE accordé par la France en application des articles L. 314-8, L. 314-8-1 et L. 314-8-2.

L’éminente juridiction va, par une lecture combinée de ces textes, décider qu’un étranger, titulaire d’une carte de résident, doit, pour bénéficier du délai de trois mois lui permettant, après expiration de son titre, de conserver son droit d’exercer une activité professionnelle, en solliciter le renouvellement dans les deux mois précédant cette expiration.

Or en l’espèce le salarié au titre de séjour non renouvelé était titulaire d’une carte de résident dont la validité expirait le 2 janvier 2017. Les juges du fond avaient considéré que ce seul document permettait au salarié de continuer l’exercice de son activité professionnelle jusqu’au 2 avril 2017, sans avoir à justifier auprès de son employeur d’une démarche réalisée pour en obtenir le renouvellement, ne se trouvant pas en situation irrégulière dans la mesure où l’obligation faite par l’article R. 311-2, 4°, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile au salarié sollicitant « le renouvellement d’une carte de séjour permettant l’exercice d’une activité professionnelle » dans le courant des deux derniers mois précédant l’expiration de la carte de séjour dont il est titulaire ne s’appliquerait pas à sa situation.

Erreur de raisonnement pour la Cour de Cassation, le salarié au titre de séjour non renouvelé aurait dû justifier avoir entamé les démarches pour obtenir un nouveau titre de séjour. Or ce dernier n’ayant rien justifié auprès de son employeur, le licenciement s’en trouvait légitime.

La solution rendue ne surprend pas et s’inscrit dans le fil de la jurisprudence antérieure (Soc. 17 nov. 2021, n° 20-11.911 D). Elle entre en cohérence avec les dispositions d’ordre public de l’article L. 8251-1 du code du travail qui pose l’exigence pour l’employeur de ne pas conserver à son service, pour quelque durée que ce soit, un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France. Elle doit ainsi être saluer en ce qu’elle permet de ne pas enfermer l’employeur dans une injonction paradoxale où il se retrouverait à choisir entre violer les dispositions d’ordre public de l’article L. 8251-1 ou procéder à un licenciement du salarié au titre de séjour non renouvelé sans cause réelle et sérieuse.

Cette situation ménage toutefois dans le même temps pour le salarié une suffisante latitude pour prendre en compte une possible latence administrative, puisque dans tous les cas le licenciement ne peut pas avoir lieu immédiatement après l’expiration du titre si le salarié justifie avoir fait une demande de renouvellement dans les deux mois précédant l’expiration de sa carte de séjour (CESEDA, art. R. 311-2 au moment des faits, devenu art. R. 431-5 depuis le 1er mai 2021). S’il a effectué la demande de renouvellement dans ce délai, il dispose en effet du droit de continuer à travailler pendant trois mois, en attendant le renouvellement de son titre (CESEDA, art. L. 311-4, en vigueur au moment des faits, devenu art. L. 433-3 depuis le 1er mai 2021), de sorte que l’employeur ne pourra pas le licencier sur ce fondement pendant cette période.

Tout reposera donc sur la diligence du salarié à effectuer la démarche avant l’expiration de son titre et à en informer son employeur.

 

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