Lorsqu’un transfert d’entreprise engendre une modification du contrat de travail du salarié autre que le changement d’employeur, ce dernier est en droit de s’y opposer.
Le salarié sera alors licencié pour motif économique, comme l’a posté la chambre Sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 17 avril 2019 (n°17-17.880, 17-17.881, 17-17.882, 17-17.884, 17-17.885, 17-17.886).
Par cet arrêt publié au Bulletin, la Cour de cassation a enfin répondu à une question jusqu’alors en suspens. À savoir, celle de la nature juridiction du licenciement prononcé consécutivement au refus par un salarié de la modification de son contrat de travail suite à un transfert d’entreprise.
Quelle modification le salarié peut-il refuser ?
Le salarié ne peut s’opposer à la modification de son contrat de travail caractérisée par un changement d’employeur. En revanche, il en va différemment lorsque ledit changement impacte d’autres éléments essentiels du contrat de travail et entraîne notamment un changement du lieu de travail en dehors du secteur géographique.
En effet, dans cette hypothèse, le salarié peut refuser cette modification. Plusieurs solutions s’ouvrent alors à l’employeur cessionnaire puisqu’il peut maintenir les conditions antérieures de travail, en proposer de nouvelles ou encore engager une procédure de licenciement. Dans cette troisième hypothèse se posait jusqu’alors la question du motif du licenciement.
Quel motif de licenciement en cas de refus de modification du contrat de travail ?
La Cour de cassation est sortie de son silence par l’arrêt du 17 avril 2019 précité. En effet, elle a posé comme principe que la rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, autre que le changement d’employeur, proposé par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constituait un licenciement pour motif économique.
En l’espèce, une société implantée à Nantes avait cédé son activité de vente et de commercialisation de fleurs par internet à une société établie à Orléans.
Cette cession entraînait non seulement le changement d’employeur mais surtout un changement de lieu de travail dans la mesure où le repreneur entendait rapatrier le poste de travail des salariés nantais à Orléans.
Les salariés nantais ayant refusé ladite modification, le repreneur a procédé à leur licenciement pour motif personnel. Ces derniers ont alors contesté le motif personnel de la rupture de leurs contrats de travail et ont saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir la requalification de leur licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
C’est ainsi que la Cour d’appel de Rennes, suivie par la Cour de cassation, ont fait droit à leur demande. En effet, estimant que dès lors que le motif de la modification proposée n’était pas inhérent à la personne du salarié, le licenciement consécutif au refus de cette modification avait la nature juridique d’un licenciement économique.
Faute pour le cessionnaire d’avoir invoqué un tel motif économique, le licenciement prononcé pour motif personnel a été requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’attente d’une confirmation
Si cette précision sonne comme un arrêt de principe, il est souhaitable qu’elle soit confirmée.
Dans l’attente, il convient d’inviter les repreneurs à faire preuve de prudence lorsqu’ils entendent licencier des salariés ayant refusé une modification de leur contrat de travail suite à un transfert d’entreprise.
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