Concernant la possibilité de recourir aux salariés en activité partielle
L’activité partielle permet aux employeurs rentrant dans le champ d’application de l’activité partielle, lorsqu’ils font face à des difficultés économiques les contraignant à réduire temporairement l’activité, de diminuer le temps de travail de leurs salariés.
Ils peuvent ainsi déroger à leur obligation de garantir à leurs salariés une durée de travail égale à la durée légale ou conventionnelle tout en les maintenant dans l’emploi.
Cette dérogation prend juridiquement la forme d’une suspension de contrat de travail pendant les heures chômées.
La réduction d’activité peut se traduire par une réduction du temps de travail dans l’établissement selon des modalités différentes (article L 5122-1 al 1 C. trav.) :
« I. – Les salariés sont placés en position d’activité partielle, après autorisation expresse ou implicite de l’autorité administrative, s’ils subissent une perte de rémunération imputable :
- soit à la fermeture temporaire de leur établissement ou partie d’établissement ;
- soit à la réduction de l’horaire de travail pratiqué dans l’établissement ou partie d’établissement en deçà de la durée légale de travail.
En cas de réduction collective de l’horaire de travail, les salariés peuvent être placés en position d’activité partielle individuellement et alternativement. »
Concrètement, la baisse temporaire d’activité peut donc prendre deux formes différentes :
- une réduction du temps de travail en dessous de la durée légale hebdomadaire ou, lorsqu’elle est inférieure, la durée collective conventionnelle du travail de l’établissement ;
- une fermeture temporaire de tout ou partie de l’établissement, pendant laquelle les salariés sont en inactivité totale, quel que soit le nombre de jours de fermeture, dans la limite cependant du contingent annuel d’heures indemnisables.
En cas de réduction collective de l’horaire de travail, les salariés peuvent être placés en position d’activité partielle individuellement et alternativement afin de pouvoir autoriser la mise en place d’un système de « roulement » par unité de production, atelier, services…
Ainsi, le salarié placé en activité partielle peut donc être amené à travailler pour le compte de son employeur en deçà de sa durée normale de travail hebdomadaire, sans toutefois qu’aucun quantum d’heures à respecter ne soit fixé.
Dans la documentation technique du ministère du travail, pour chacun des modes d’aménagement du temps de travail, un ou plusieurs exemples sont présentés pour illustrer le mode de calcul et le nombre d’heures à indemniser, tels que définis à l’article R 5122-19 du Code du travail.
Voici les illustrations données par le ministère pour le cas d’un salarié placé en activité partielle, qui continuerait tout de même de travailler pour son employeur :
- un salarié travaille 35 heures par semaine. Au cours de la semaine en raison de la mise en activité partielle de son établissement, il travaille 20 heures au lieu de 35 heures. Le nombre d’heures indemnisées est : 35 – 20 = 15 heures.
- un salarié travaille 32 heures par semaine. Au cours de la semaine en raison de la mise en activité partielle de son établissement, il travaille 20 heures au lieu de 32 heures. La formule de calcul est la suivante : Nombre d’heures à indemniser 32 – 20 = 12 heures.
La demande précise les motifs justifiant le recours à l’activité partielle, la période prévisible de sous-activité et le nombre de salariés concernés (C. trav. art. R 5122-2, al. 2 à 5). Pour les entreprises ayant déjà recouru à l’activité partielle dans les 36 mois précédents, la demande doit également contenir des engagements spécifiques que l’employeur propose de souscrire (C. trav. art. R 5122-2, al. 7). Toutefois, une notice du ministère du travail précise que « compte tenu du caractère exceptionnel de la situation, les engagements demandés aux entreprises doivent être à minima ».
Selon les précisions apportées par le ministère du travail et la notice technique DGEFP « Activité partielle et coronavirus » du 17-3-2020, la demande doit préciser :
- le motif de recours = circonstances exceptionnelles + coronavirus ;
- les circonstances détaillées et la situation économique à l’origine de la demande. L’employeur doit indiquer précisément les effets de l’épidémie de Covid-19 sur l’activité de son entreprise, notamment l’ampleur de ses difficultés et son impact sur l’emploi (arrêt complet pour l’ensemble du personnel, pour une partie des activités). L’employeur doit cocher « suspension d’activité » si les salariés en activité partielle ne travaillent plus ou « réduction d’activité » s’ils peuvent travailler sur la période considérée ;
- la période prévisible de sous-emploi, qui peut s’étendre jusqu’au 30 juin 2020 dès la première demande. En cas de reprise préalable, il suffira à l’employeur d’en informer la Direccte pour interrompre la prise en charge ;
- le nombre de salariés concernés ;
- le nombre d’heures chômées prévisionnelles.
En conclusion, un employeur peut donc placer ses salariés en tout ou partie en activité partielle, en optant pour une réduction de leur temps de travail, et lui permettre ainsi de les faire travailler à son bénéfice.
A noter : Attention, le fait de bénéficier ou de tenter de bénéficier frauduleusement du système d’indemnisation de l’activité partielle est passible de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende (C. trav. art. L 5124-1 et C. pén. art. L 441-6).
Par exemple, se rend coupable d’escroquerie, l’employeur qui réalise des demandes d’indemnisation d’heures chômées indues et les justifie par de fausses déclarations mensuelles assorties d’états nominatifs par salariés non conformes à la réalité de l’activité durant la période concernée (Cass. crim. 27-6-2018 no 17-81.980 F-D).
L’employeur pourrait aussi être tenu de rembourser les sommes versées par l’Etat.
Les missions qu’il est possible de confier aux salariés
Compte tenu de la crise sanitaire actuelle, l’employeur est en principe tenu d’organiser un travail à distance. Toutefois, lorsque les salariés sont obligés de se rendre physiquement sur leur lieu de travail, parce que leur travail ne peut être effectué à distance et ne peut être différé, l’employeur est tenu de respecter et de faire respecter les gestes barrières sur le lieu de travail.
Il convient tout d’abord de respecter les gestes barrières et les recommandations sanitaires disponibles sur le site du gouvernement : www.gouvernement.fr/info-coronavirus.
De plus, à ce jour, il est nécessaire, pour circuler, de disposer de deux documents :
- l’attestation individuelle,
- l’attestation de l’employeur, qui affirme l’absolue nécessité pour la personne qui la détient de se déplacer pour aller travailler. Elle doit être remplie et visée par l’employeur.
Les règles de distanciation et les gestes barrières pour les emplois non éligibles au télétravail doivent impérativement être respectées. Les entreprises sont fortement invitées à repenser leurs organisations : rotation d’équipes, organisation des réunions à distance, limitation des regroupements de salariés dans les espaces réduits, annulation ou report des déplacements professionnels non indispensables…
L’indemnisation du salarié
Le salarié en activité partielle n’a pas droit au paiement d’un salaire s’il est à 100% en inactivité ; si ses heures travaillées sont réduites, l’employeur doit lui verser le salaire horaire dû pour chaque heure travaillée à son bénéfice. Le reste des heures chômées est financé par l’Etat. Il perçoit une indemnité spécifique pour chaque heure chômée et indemnisable. Il n’existe aucun délai de carence, l’indemnité devant être versée dès la première heure effectivement chômée déclarée comme telle.
Le nombre d’heures indemnisables au titre de l’activité partielle correspond à la différence entre la durée légale du travail sur la période considérée (hebdomadaire, mensuelle, annuelle) ou, si elle est inférieure, la durée conventionnelle ou contractuelle du travail et le nombre d’heures travaillées sur cette période.
L’allocation d’activité partielle est attribuée dans la limite de 1 000 heures par salarié et par an (année civile), quelles que soient les modalités de réduction de l’activité (C. trav. art. R 5122-6 et arrêté du 26-8-2013). En pratique, cela correspond à environ 7 mois d’arrêt total d’activité par salarié.
En conclusion : l’allocation d’activité partielle ne couvre que les heures réellement chômées et déclarées comme telles par l’employeur. Aussi, en cas de réduction d’activité, lorsque le salarié continue de travailler pour son employeur en deçà de la durée légale du travail, l’employeur rémunère normalement son salarié pour les heures effectuées par ce dernier. L’allocation ne lui étant versée que pour la différence entre heures accomplies et durée « normale » du travail.
Le montant théorique de l’indemnisation
Le salarié en activité partielle reçoit une indemnité horaire égale à 70 % de sa rémunération brute horaire, ramenée à un montant horaire sur la base de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, de la durée conventionnelle ou contractuelle de travail.
Exemple :
Soit un salarié travaillant 35 heures par semaine et percevant un salaire brut mensuel de 2 250 €.
Taux horaire de la rémunération du salarié : 2 250 ⁄ 151,67 = 14,83 €
Montant de l’indemnité horaire d’activité partielle : 70 % x 14,83 = 10,38 €
Le salarié percevra 10,38 € par heure chômée indemnisée.
La rémunération à retenir pour calculer l’indemnité est celle qui sert d’assiette de calcul à l’indemnité de congés payés suivant la règle du maintien de salaire (C. trav. art. R 5122-18). Il s’agit donc du salaire brut du salarié, des avantages en nature dont il ne continuerait pas à bénéficier pendant son congé ainsi que de ses primes et indemnités versées en complément de son salaire qui ne rémunèrent pas un risque exceptionnel et n’indemnisent pas déjà la période des congés.
Quand la verser ?
L’indemnité est versée par l’employeur à la date habituelle de versement du salaire. Le nombre d’heures indemnisées, le taux appliqué pour le calcul de l’indemnité et les sommes versées au titre de la période doivent être indiqués sur le bulletin de salaire (C. trav. art. R 3243-1, 16o nouveau). Toutefois, jusqu’au 26 mars 2021, les employeurs peuvent mentionner ces informations sur un document annexe remis au salarié (Décret 25-3-2020, art. 2, II).
L’indemnité d’activité partielle versée aux salariés est exonérée des cotisations de sécurité sociale (C trav. art. L 5428-1, al. 2) et des prélèvements alignés (notamment, cotisations chômage et AGS, de retraite complémentaire Agirc-Arrco…), sauf pour les salariés domiciliés fiscalement hors de France.
Sauf taux réduits liés à la situation fiscale du salarié, l’indemnité d’activité est assujettie à la CSG au taux de 6,20 % dont 3,80 % déductibles et à la CRDS, après application de l’abattement pour frais professionnels de 1,75 %. La CSG et la CRDS ne doivent toutefois pas avoir pour effet de réduire la rémunération mensuelle totale perçue par le salarié en deçà du Smic brut, soit 1 539,42 €. Elle est également soumise à l’impôt sur le revenu.
En pratique, du fait de l’absence de cotisations de sécurité sociale, 70 % de la rémunération brute correspond à 84 % environ de sa rémunération nette.
L’employeur reçoit de l’Etat une allocation d’activité partielle
En contrepartie des indemnités versées au salarié, l’employeur reçoit une aide de l’Etat (appelée allocation d’activité partielle). Le régime de cette allocation a été totalement modifié par le décret du 25 mars 2020 de manière à ce que le reste à charge pour l’entreprise soit nul pour les salariés dont la rémunération n’excède pas 4,5 fois le Smic. En cas de complément d’indemnisation par l’employeur, celui-ci n’est pas non plus pris en charge par l’Etat.
Ainsi, pour toute heure chômée indemnisée depuis le 1er mars 2020, l’employeur a droit à une allocation dont le taux horaire est égal à 70 % de la rémunération horaire brut, limitée à 4,5 fois le taux horaire du Smic. Ce taux horaire ne peut pas être inférieur à 8,03 € (taux horaire équivalent au Smic net) (C. trav. art. R 5122-12 et D 5122-13, modifiés).
L’allocation est versée par l’Agence de services et de paiement (ASP) pour le compte de l’Etat
Pour obtenir l’allocation, l’employeur adresse, à la fin de chaque mois, une demande d’indemnisation à l’Agence de services et de paiement (ASP) via son compte Internet. La demande comporte (C. trav. art. R 5122-5) :
- des informations relatives à l’identité de l’employeur ;
- la liste nominative des salariés concernées ainsi que leur numéro de sécurité sociale ;
- les états nominatifs précisant notamment le nombre d’heures chômées par le salarié. Selon le site internet du ministère du travail, l’employeur renseigne, pour chaque salarié, les heures hebdomadaires réellement travaillées (ou assimilées, telles que les congés payés, les arrêts maladie pour motif de coronavirus…) et les heures hebdomadaires réellement chômées.
Après vérification par l’ASP, l’allocation est liquidée à l’employeur. Selon le site du ministère du travail, l’allocation est versée dans un délai moyen de 12 jours.
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