La clause de loyauté découle de l’obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi. À ce titre, les salariés liés par un contrat de travail ne doivent pas causer de tort à leur employeur, notamment en exerçant une concurrence illicite. La clause restreint donc la liberté du salarié et la nullité de la clause de loyauté peut dans certains cas être invoquée.
Il n’est généralement pas nécessaire de la faire figurer au contrat de travail. L’obligation de loyauté s’accompagne généralement d’une obligation de fidélité, de non-concurrence ou encore de confidentialité pendant l’exécution du contrat de travail.
Seulement, pour être valable, la clause doit répondre à divers critères et notamment respecter les règles énoncées par la convention collective applicable et par la jurisprudence.
Lorsque les conditions de validité ne sont pas remplies, le salarié a la possibilité de saisir le Conseil de prud’hommes d’une demande de nullité de la clause de loyauté et d’une demande d’indemnisation du préjudice subi (Cass. Soc., 25 mai 2016 n° 14-20.578).
Dans l’arrêt du 2 mars 2022 (Cass. Soc., 2 mars 2022 n°20-19.832), la Cour de cassation a été saisie d’une demande de requalification de la clause de loyauté, en clause de non-concurrence illicite. Mais la problématique qui était posée à la Chambre sociale était celle de connaitre le point de départ de l’action indemnitaire du salarié fondée sur la nullité de la clause.
Le point de départ a donc une importance capitale puisqu’il permet de connaitre la date à partir de laquelle débute la possibilité pour les salariés d’agir en justice contre l’employeur, auteur d’une clause illégale et donc, en l’espèce, de déduire si le salarié avait le droit d’agir le jour de la saisine du Conseil de prud’hommes.
Nullité de la clause de loyauté : l’action débute à la mise en œuvre
En l’espèce, deux salariés avaient été embauchés en qualité d’ingénieur statut cadre et leur contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence moyennant une contrepartie financière et une clause de loyauté. Cependant, ils ont estimé que la clause de loyauté était en réalité une clause de non-concurrence illicite et, de ce fait, ils ont saisi le Conseil de prud’hommes le 1er février 2016 pour faire annuler cette clause.
Le moyen avancé est qu’ils considéraient que l’employeur pouvait renoncer à la clause de non-concurrence mais que la clause de loyauté subsisterait, sans contrepartie financière alors qu’elle restreignait leur droit d’exercer une activité relevant de leurs compétences, connaissances et expériences professionnelles.
Les contrats de travail des salariés ont été rompus en cours d’instance, respectivement le 30 juillet 2017 et le 15 décembre 2017.
La Cour d’appel
La Cour d’appel a jugé leurs demandes irrecevables sur le fondement de l’article 2224 du Code civil se référant à la prescription en responsabilité civile. Le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle le dommage se manifeste au bénéficiaire de ce droit.
Elle considère donc que le préjudice ne s’est manifesté que lors de la signature du contrat de travail des salariés comprenant la clause de loyauté. Ainsi, selon elle, la demande de nullité de la clause de loyauté des salariés était irrecevable car prescrite parce que la signature (date de la connaissance du préjudice) du contrat de travail est intervenue plus de 5 ans avant la saisine de la juridiction prud’homale, le 1er février 2016.
La Cour de cassation
La Chambre sociale de la Cour de cassation a censuré la décision de la Cour d’appel. Elle énonce les dispositions de l’article 2224 du Code civil et rappelle que la prescription d’une action en responsabilité civile court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.
La Cour applique ce principe à l’espèce et considère que le dommage causé par les stipulations de la clause de loyauté, se révèlent au moment de la mise en œuvre de cette clause. Le point de départ du délai de prescription ne peut être celui du jour de la signature du contrat de travail.
En somme, la Cour considère l’action indemnitaire des salariés, fondée sur l’application de la clause de loyauté, recevable. Elle ne précise pas la définition du moment de la nullité de la clause de loyauté. Mais il est possible d’en déduire que cette clause est mise en œuvre tout au long de l’exécution du contrat de travail mais aussi après rupture du contrat de travail, lorsque l’ancien employeur demandera au salarié de cesser sa nouvelle activité, exercée en méconnaissance de la clause de loyauté.
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