Les sommes versées au salarié réintégré après un licenciement nul sont soumises à cotisations
La somme allouée au salarié réintégré après l’annulation de son licenciement, correspondant à la réparation du préjudice subi entre le licenciement et la réintégration et plafonnée au montant des salaires dont il a été privé, entre dans l’assiette des cotisations sociales (Cass. soc., 16 octobre 2019, n° 17-31.624).
Un salarié est placé en arrêt de travail, lequel est pris en charge au titre de la législation des accidents du travail. Pendant la suspension de son contrat de travail, il est licencié. Il demande et obtient devant la juridiction prud’homale la nullité de son licenciement, sa réintégration et le paiement d’indemnités.
Pendant la période de suspension du contrat de travail, l’employeur peut licencier le salarié s’il justifie d’une faute grave ou d’une impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la maladie ou l’accident (C. trav. art. L 1226-9). Toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions est nulle et ouvre droit à réintégration pour le salarié (C. trav. art. L 1226-13).
Le salarié prétend tout d’abord avoir droit au paiement d’une indemnité égale au montant qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et sa réintégration, sans déduction des salaires ou revenus de remplacement perçus pendant cette période. Pour lui, le licenciement intervenu pendant la période de protection pour accident du travail en l’absence d’une faute grave ou d’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat caractérise une atteinte au droit à la protection de la santé, garanti par la Constitution. [En savoir plus sur la protection du salarié contre le licenciement en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle]
D’après une jurisprudence constante, le salarié a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires perçus, c’est-à-dire déduction faite des revenus de remplacement et des rémunérations perçus pendant cette période (Cass. soc., 26 avril 2006, n° 04-42.681 ; Cass. soc., 14 février 2018, n° 16-22.360).
Toutefois, il peut prétendre à une réparation forfaitaire, donc sans déduction possible, en cas de violation d’une liberté fondamentale constitutionnellement garantie. C’est le cas notamment du licenciement discriminatoire prononcé en raison de l’état de santé du salarié (Cass. soc., 11 juillet 2012 n° 10-15.905).
La décision de la Cour d’appel l’ayant débouté de sa demande est approuvée par la Cour de cassation. Pour les juges du fond, le licenciement n’est pas fondé sur l’état de santé mais sur la violation de la protection accordée au salarié en cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail, qui ne porte pas atteinte à une liberté fondamentale. Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a donc droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.
Le salarié demande par ailleurs à son employeur la régularisation des cotisations sociales sur les sommes versées au titre de la réparation de son préjudice et la remise des bulletins de salaire correspondants.
Pour la Cour d’appel, les sommes allouées au salarié au titre de la reconstitution de ses droits présentent un caractère indemnitaire et ne constituent pas des salaires. Elles sont donc exclues de l’assiette des cotisations et l’employeur n’a pas à s’acquitter des cotisations et à délivrer les bulletins de paie.
La décision des juges du fond est cassée. Pour la Cour de cassation, la somme allouée au salarié dont le licenciement a été annulé, correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, est versée à l’occasion du travail et entre dans l’assiette des cotisations sociales.
L’indemnité pour licenciement nul versée au salarié lorsqu’il ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou lorsque sa réintégration est impossible, prévue à l’article L 1235-3-1 du Code du travail, est quant à elle exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale dans la limite de 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (Pass). Toutefois, l’indemnité est intégralement assujettie si son montant dépasse 10 fois le Pass (CGI art. 80 duodecies et CSS art. L 242-1, II-7°).
La solution retenue ici est cohérente avec la règle posée par la loi. Cette indemnité, qui correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre le licenciement et la réintégration (si elle a été demandée dans le délai prescrit ou à l’expiration de ce délai dans le cas contraire), est en effet soumise à cotisations (C. trav. art. L 2422-4).
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