Quel délai pour réclamer des créances salariales ?

2019-10-15T11:32:23+02:0015 octobre 2019|

Avant la loi de 2008, la prescription des actions en paiement des créances salariales était quinquennale.

Sauf report exceptionnel, il n’était pas possible, à compter de la saisine d’un juge, de remonter plus de cinq années antérieurement.

La loi de sécurisation de l’emploi de 2013 a modifié la prescription des créances salariales de trois manières

En premier lieu, la durée de la prescription passe de cinq à trois ans.

En deuxième lieu, le point de départ devient officiellement glissant. Le salarié ne peut demander, lorsque le contrat est en cours, que des sommes « dues au titre des trois dernières années ». Lorsque « le contrat de travail est rompu, les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ».

Il importe de distinguer les deux hypothèses :

Pendant le déroulement du contrat de travail, est-il possible de revendiquer le paiement de créances salariales au-delà des trois dernières années ?

Une interprétation textuelle de l’article L 3245-1 du Code du travail, alinéa 2 tendrait à suggérer qu’il peut remonter au-delà de trois ans :

« L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ».

L’action du salarié doit être intentée dans les trois ans à compter « du jour où il a eu connaissance du fait lui permettant d’agir » et sa demande ne peut porter que sur « les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ».

Dès lors, le terme « ce jour » renvoie au jour où le salarié a eu connaissance des faits.Certains auteurs en déduisent logiquement que « l’indemnisation n’est pas de trois années comme on pourrait le croire mais peut couvrir un peu moins de six années. […]

Si le salarié agit légèrement avant le terme des trois ans à compter du jour où il a connu l’existence de son droit (alinéa 1), il peut remonter trois ans en arrière, non pas à compter du jour où il introduit l’instance mais du jour où son droit lui a été révélé (alinéa 2).

Il est donc en droit de solliciter un peu moins de six années d’arriérés (trois ans entre le jour de la saisine du conseil de prud’hommes et le jour de la révélation du droit et trois ans antérieurement à la révélation du droit), si la créance continuait à courir après sa révélation.

Il est pourtant loin d’être acquis que la chambre sociale de la Cour de Cassation se fonde sur une telle interprétation, contraire à l’esprit de la loi, puisqu’elle reviendrait à allonger le délai de prescription, non de l’action, mais des créances salariales.

À la rupture du contrat de travail, les choses sont plus complexes

A priori, l’intérêt de l’instauration d’un point de départ désormais glissant est neutralisé par la prescription des sommes au-delà des « trois années précédant la rupture du contrat ».

Ainsi, un salarié, dont le contrat a été rompu, qui arriverait à établir la nécessité du report du point de départ de la prescription en raison de ce qu’il a connu au jour de la remise du solde de tout compte l’existence d’une créance ancienne, non correctement réglée, ne pourrait en demander le règlement car elle est née plus de trois ans avant la rupture du contrat de travail.

L’effet majeur du point de départ glissant est donc sérieusement contrarié, ce qui revient quasiment – le quantum de trois ans au lieu de cinq mis à part – à la situation antérieure à la loi de 2013.

Inversement, la situation pourrait parfois s’avérer plus favorable que sous l’empire de la loi antérieure. Comme l’a justement relevé Christophe Radé, « la distinction désormais opérée par l’article L 3245-1 du Code du travail entre le délai pour agir (trois ans) et la période couverte par la demande (salaires des trois années avant la rupture) est susceptible de permettre au salarié, qui agit dans la troisième année de la prescription, d’obtenir désormais plus (trois ans) qu’auparavant puisque avant 2013 le délai de cinq années partait de la saisine du juge et portait sur les cinq années antérieures ».

En effet, un salarié qui, sous l’empire du droit antérieur, agissait dans la troisième année de prescription n’aurait pu demander que des sommes portant sur les deux dernières années du contrat de travail voire presque rien s’il s’agissait au terme de la cinquième année.

Sous l’empire de la prescription actuelle, même en agissant au terme de la prescription de l’action de trois ans, il peut demander le paiement des trois dernières années, ce d’autant plus que la suppression du principe de l’unicité de l’instance n’empêche pas une action ultérieure à celle relative à la rupture du contrat de travail.

Cela fait dire à Bernard Gauriau que la rédaction « contredit […] la logique réductrice du nouveau texte ».

En dernier lieu, la prescription des créances salariales se voit explicitement porter à la fois sur l’action et sur le montant des sommes avec un délai butoir de trois années lorsque le contrat de travail a été rompu.

Source : la prescription en droit du travail. Étude d’actualité des relations individuelles de travail, Julien Icard, Professeur à l’Université polytechnique Hauts-de-France

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