Le silence du salarié qui n’a jamais réclamé de supplément de salaire au cours de son emploi ne vaut pas renonciation de sa part au paiement de ses heures supplémentaires (Cass. Soc., 26 septembre 2012, n°11-14.540).
Par un arrêt du 25 février 2004, la Chambre sociale de la Cour de Cassation, sans remettre en cause le principe selon lequel la charge de la preuve n’incombe spécialement à aucune des parties, précise les obligations à la charge du salarié en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées (Cass. Soc., 25 février 2004, n°01-45.441).
Selon la Cour de Cassation, l’employeur est tenu de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié (article L. 3171-4 du Code du travail). Mais il appartient à ce dernier de fournir, préalablement, des éléments de nature à étayer sa demande en paiement des heures supplémentaires.
Le salarié qui réclame un rappel d’heures supplémentaires doit étayer sa demande par des éléments concrets (feuilles de temps, tickets de transport, attestations sur les horaires pratiqués par le salarié).
De surcroît, dans un arrêt rendu le 12 février 2015, la Cour de Cassation a rappelé que l’employeur doit justifier des horaires effectivement réalisés, sous peine de voir les juges retenir à bon droit l’existence d’heures supplémentaires sur la base des éléments transmis par le salarié (Cass. Soc., 12 février 2015, n°13-17.900).
Cet arrêt précise également que « l’employeur avait appelé la salariée à effectuer de multiples tâches sans procéder au moindre enregistrement de ses horaires effectués a, par là-même, caractérisé l’élément intentionnel du travail dissimulé et a fixé le montant de l’indemnité de travail dissimulé en tenant compte du mode de chiffrage des heures supplémentaires dont elle a relevé qu’il n’était pas critiqué ».
Par ailleurs, le versement de primes exceptionnelles ou de commissions ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires, peu important que le montant de ces primes corresponde à celui des heures supplémentaires effectuées (Cass. Soc., 10 octobre 2013, n°1216811).
Liste non exhaustive des éléments à réunir permettant de reconstituer ses horaires de travail
En cas de contentieux, cette liste permet de démontrer l’existence d’heures supplémentaires :
- Contrat de travail
- Bulletins de paie
Ils doivent mentionner le nombre total d’heures supplémentaires effectuées.
- Plannings
Plannings réalisés par les soins du salarié, de son responsable/employeur ou d’autres salariés de la société.
- Relevés de badges
Relevés du badge utilisé pour entrer et sortir de l’entreprise : badge du parking, badge du bâtiment de la société etc.
- Agendas
Réalisés par les soins du salarié.
- Horaires d’ouverture de la société
Disponibles par exemple : sur Internet, sur les documents de la société, sur la porte d’une boutique, etc.
- Mails/messages
Fournir notamment les mails envoyés depuis le poste de travail en dehors des horaires habituels, les mails de supérieurs hiérarchiques demandant d’effectuer des heures supplémentaires ainsi que les mails d’alerte à l’employeur concernant l’importance des heures effectuées.
- Historique des trajets
Tous documents permettant de retracer l’historique des trajets effectués.
- Disponible éventuellement en cas d’utilisation des services Google et Google Maps (notamment en cas de possession d’une adresse Gmail).
- Itinéraire Maps du domicile au lieu de travail
Atteste de la durée entre les deux emplacements.
- Justificatifs d’utilisation des moyens de transport pour se rendre sur le lieu de travail et durant le temps de travail
Exemples : Relevés de péage, billets de train, de bus, d’avion, tickets de métro, de tram, etc.
- Penser aux relevés de compte bancaire en cas de perte des justificatifs.
- Tableau de chiffrage des heures effectuées
Il doit être précis et corroborer les autres documents fournis.
- Bons d’intervention auprès des clients
- Notes de frais
- Attestations / témoignages
Attestations de collègues de travail, de personnes travaillant à proximité du lieu de travail, etc., précises et corroborant les autres documents fournis.
Les attestations / témoignages doivent impérativement être précis, exacts et non contradictoires :
- Exactes : une personne peut rédiger un témoignage en faveur du salarié À CONDITION qu’elle ait effectivement été témoin de ce qu’elle rapporte. Par exemple, le témoignage d’une personne attestant des horaires du salarié ne peut pas être valable si ce témoin ne pouvait pas être présent du fait de ses propres horaires.
- Précises : les attestations doivent comporter le plus de détails possibles : de telle heure à telle heure, tel jour, à tel moment de la journée, etc. Il peut parfois être possible de souligner que la charge de travail supplémentaire correspondait à un évènement particulier et dont la preuve est facilement démontrable (mise en place d’un nouveau produit, organisation d’un évènement, etc..).
- De manière générale, les attestations et témoignages doivent être le plus détaillés possible, être exacts et corroborer les autres éléments du dossier.
- Fiche métier
Fiche renseignant notamment les missions demandées et donc les obligations afférentes à l’emploi occupé.
- Lettre RGPD
- Tout autre document faisant référence à vos heures de travail
Attention à :
- Incohérences
Les pièces ne doivent pas être contradictoires entre elles.
Exemple de conséquence induite dans une décision du CPH : « Les éléments [versés au débat] sont recevables et suffisamment précis. Néanmoins, il s’avère que le tableau récapitulatif comporte des incohérences à certaines dates, de sorte que le conseil est dans l’impossibilité de vérifier avec exactitude le nombre d’heures supplémentaires réellement effectuées par rapport aux demandes chiffrées. »
- Qualité des pièces fournies
Les pièces doivent contenir des éléments précis et vérifiables.
- Etablissement de pièces a posteriori
Donne l’impression que les pièces ont été « détournées » pour servir les arguments.
- Régularité des heures de travail effectuées
Apparait peu conforme à la réalité.
- Temps de trajet habituel entre le domicile et le lieu de travail
Il n’entre pas dans le décompte des heures supplémentaires.
- Autonomie dans l’organisation du temps de travail
Exemple de conséquence induite dans une décision du CPH : « Le salarié jouissait d’une totale liberté d’organisation de son travail ; il résulte en effet de son propre courrier qu’il avait lui-même pris la décision de venir travailler plus tôt le matin »
Voici d’autres articles rédigés par Stéphanie Jourquin, avocat en droit du travail à Nice, au sujet des heures supplémentaires :
Le cadre dirigeant peut-il réclamer des heures supplémentaires ?