Cass. soc., 22 novembre 2017 n°13-19.855
Dans cet arrêt relatif à l’interdiction du port du voile par une informaticienne, la Cour de cassation confirme la possibilité pour l’employeur d’interdire, sous conditions, le port de signes religieux en entreprise.
Après la loi Travail du 8 août 2016 (article L.1321–2–1 du Code du travail) et les décisions rendues par la Cour de justice européenne (CJUE), l’arrêt du 22 novembre de la Cour de cassation va à nouveau dans le sens d’une clarification attendue par certains employeurs en matière de la liberté de religion dans l’entreprise.
Clause de neutralité prohibant le port ostentatoire
Tirant les conséquences en droit français des deux arrêts du 14 mars 2017 (CJUE, Asma Bougnaoui, aff. C-188/15 ; 14 mars 2017, G4S Secure Solutions, aff. C-157/15), la Haute Cour considère que l’employeur peut prévoir dans le règlement intérieur une clause de neutralité prohibant le port ostentatoire de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, « dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients ».
En cas de refus d’une salariée de se conformer à une telle clause, l’employeur doit rechercher s’il est possible de lui proposer un poste n’impliquant pas de contact visuel avec ces clients, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l’entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire.
En l’absence de clause de neutralité, le licenciement d’une salariée refusant de retirer son voile est discriminatoire : « Dans la mesure où, dans l’entreprise concernée, aucune clause de neutralité ne figurait dans le règlement intérieur ni dans une note de service relevant du même régime légal, le licenciement pour faute prononcé en raison du non-respect d’un ordre oral donné à une salariée et visant un signe religieux déterminé a été analysé comme une discrimination directe. Aucune contrainte objective ne s’opposant à ce que des fonctions d’ingénieur en informatique soient assurées par une salariée portant un foulard, cette discrimination directe ne pouvait être justifiée ».
L’arrêt est rendu au visa des textes :
• du Code du travail sur la protection des libertés individuelles et collectives (C. trav. art. L 1121-1), l’interdiction des discriminations (C. trav. art. L 1132-1 et L 1133-1), et le contenu du règlement intérieur (C. trav. art. L 1321-3, l’article L 1321-2-1 issu de la loi Travail du 8-8-2016 relatif aux clauses de neutralité n’étant pas applicable au cas d’espèce) ;
• européens relatifs à protection de la liberté fondamentale de conscience et de religion (Conv. EDH art. 9) et à l’égalité de traitement au travail (Directive 2000/78 du 27-11-2000, art. 2 § 2et 4 § 1).