Les réformes successives, impulsées par les lois du 17 juin 2008 et du 14 juin 2013 ainsi que par les ordonnances « Macron », ont semé un trouble encore palpable en matière de prescription extinctive et du CDD de remplacement.
A échéance régulière, la Haute juridiction doit lever le voile sur certaines interrogations nées d’une approche complexe et parfois discutée. Il est vrai que la grande variété de délais d’action prévus à l’article L.1471-1 du Code du travail, ne rend pas la tâche aisée : plus encore que la détermination du délai applicable selon l’objet du litige, c’est la question du point de départ de la prescription qui pose bien souvent problème. Tel était d’ailleurs le cas dans l’arrêt soumis à l’étude du 23 novembre 2022 (Soc. 23 novembre 2022, n°21-13.059).
En l’espèce, un salarié avait été recruté en CDD le 16 décembre 2013, afin d’assurer le remplacement d’un salarié en arrêt maladie. Prolongée par voie d’avenant le 14 mars 2014, le CDD de remplacement avait finalement pris fin le 22 décembre 2015 après que l’employeur eut informé l’intéressé que le salarié remplacé avait fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude.
Le 2 juin 2016, le salarié saisissait la juridiction prud’homale d’une demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée au motif que le CDD de remplacement ne faisait pas mention de l’identité et de la qualification du salarié absent.
A ce titre, l’article L.1242-12 du Code du travail, précise que le CDD doit comporter un certain nombre de mentions, à l’image du nom et de la qualification professionnelle de la personne remplacée, sous peine d’être requalifié en CDI.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence accueillait la demande du salarié : dès lors que le défaut de mention de l’identité et de la qualification du salarié absent ne permettait pas de vérifier que l’embauche en CDD du salarié avait pour unique motif le remplacement du salarié absent, les juges estimaient que l’action du salarié portait en définitive sur la validité du motif de recours et que le délai de prescription ne devait ainsi courir qu’à compter du terme du dernier contrat.
Dans un arrêt du 23 novembre 2022, la Haute juridiction se détourne d’une pareille démonstration et casse l’arrêt d’appel.
Après avoir rappelé que « toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d’exercer son droit », la Chambre sociale précise que « le délai de prescription d’une action en déqualification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondé sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner la déqualification, court à compter de la conclusion de ce contrat ».
Les juges de la Cour de Cassation nous remémorent un arrêt du 3 mai 2018 et confirment ainsi une solution que l’on savait bien établie. Le doute était malgré tout permis au regard de décisions rendues a posteriori en matière de déqualification d’un CDD en CDI. La Chambre sociale avait ainsi admis que le point de départ de la prescription d’une action en déqualification fondée sur le non-respect de délai de carence entre deux contrats successifs devait courir à la date du premier jour d’exécution du second contrat.
Ainsi, en ce qui concerne l’action en requalification du CDD, la Cour de cassation fait en sorte d’ajuster le point de départ de la prescription en cernant mieux la date à laquelle le salarié a ou est réputé avoir pris connaissance du fait lui ouvrant la voie de la contestation.
A l’évidence, la Haute juridiction cherche à objectiver, sans pour autant uniformiser, le point de départ de la prescription en tirant les conclusions pratiques des circonstances ayant justifié l’action en justice.
Ainsi, le salarié est réputé avoir connaissance de l’irrégularité à la date de conclusion du contrat lorsqu’il s’agit d’un manquement aux règles formelles qui entourent la conclusion du CDD de remplacement.
Enfin, en ce qui concerne le point de départ de l’action en requalification justifiée par le non-respect des durées d’interruption entre deux contrats successifs ou par la nature permanente et durable de l’emploi occupé, il doit être différé de sorte que le salarié puisse porter un regard rétrospectif sur la violation de ses droits. En la matière, le salarié doit avoir suffisamment de recul sur la situation contractuelle pour avoir une connaissance « réelle » de l’irrégularité.
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