L’actualité amène à se questionner sur la validité, en Droit français, d’annoncer une démission sur les réseaux sociaux, en direct depuis son lieu de travail.
En effet, aux États-Unis une salariée de la société Walmart s’est filmée sur le réseau social TikTok pour annoncer dans les haut-parleurs de l’enseigne sa démission. L’employée mécontente a par ailleurs profité de cette occasion pour dénoncer ses conditions de travail en utilisant l’hashtag #quitmyjob. Elle a ensuite quitté son lieu de travail, immédiatement après son annonce. La vidéo a été vue par plus de 35 millions de personnes, ce qui a provoqué une multitude de vidéos similaires.
Annoncer une démission sur les réseaux sociaux constitue-t-il un défaut de manifestation claire et non équivoque ?
La démission se définit comme un acte unilatéral. Le salarié démissionnaire manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre un terme à son contrat de travail.
Le principe de la « liberté du travail » en Droit français empêche une règlementation trop stricte de la démission. En conséquence, la démission peut être orale. Mais la démission ne se présume pas. La volonté du salarié doit se manifester de façon claire et non équivoque (Cass. Soc., 21 oct. 2020 : n° 19-10.635).
Le caractère clair et non équivoque se caractérise difficilement lorsque la démission est annoncée oralement, de façon soudaine et filmée sur les réseaux sociaux en quittant son poste de travail. Elle peut être assimilée à « un claquement de porte » insuffisant pour démontrer la volonté claire et non équivoque du salarié.
En effet, la chambre sociale considère de manière constante qu’une démission donnée sous l’emprise de la colère ou de l’énervement (Cass. Soc., 19 oct. 2005, n° 04-41.628), d’une forte émotion (Cass. Soc., 24 févr. 1988, n° 86-41.573), ou encore d’une altercation avec un collègue (Cass. Soc., 9 déc. 1997, n° 95-41.386) n’est pas constitutive d’une volonté claire et non équivoque. Quitter son poste de travail et annoncer une démission sur les réseaux sociaux, oralement et en se filmant, ne remplirait donc pas les conditions relatives à la volonté du salarié. En effet, ce dernier pourrait justifier son acte par une origine émotionnelle.
De plus, l’oralité est parfois proscrite par le biais de dispositions conventionnelles exigeant une démission sous la forme écrite. Dans cette hypothèse, le salarié ne pourrait pas démissionner verbalement.
Dès lors, si un employé a choisi de vous annoncer une démission sur les réseaux sociaux, il est préférable de solliciter du salarié une démission écrite. Ce formalisme permet de s’assurer de sa décision claire et non équivoque.
La nécessité de respecter le préavis de démission
En Droit français, sauf exceptions, la démission entraine l’obligation de respecter le préavis et définit le début de ce dernier.
Au cours de ce préavis le contrat de travail perdure. Ainsi, le salarié est toujours tenu à ses obligations. Après l’annonce de sa démission il ne peut pas quitter son poste de travail librement et sur le champ.
Annoncer une démission sur les réseaux sociaux avec un départ sur le champ, à l’instar des salariés ayant diffusé celle-ci sur le réseau Tiktok, ne satisfait pas au respect du préavis légal ou conventionnel en découlant.
Il faut aussi noter que pour l’employeur l’annonce publique d’une démission peut apparaître comme une déloyauté du salarié. En effet, cette démarche nuit à l’image de l’entreprise que le salarié est « heureux » de quitter. L’annonce qui peut permettre de présumer de mauvaises conditions d’exécution du contrat de travail fragilisent par même occasion les futurs recrutements.
Aussi, sauf à ce que le salarié ait préparé son annonce en amont, en ayant formulé par écrit sa démission et requis l’autorisation de l’employeur d’être dispensé de son préavis et de faire le buzz en annonçant publiquement son départ, cette « formule » de démission ne pourrait pas intervenir.
Le Droit français, contrairement au Droit américain, ne permet donc pas au mouvement #quitmyjob de s’étendre en France. Ce dernier ne respecte pas les conditions de validité de la démission et d’exécution du préavis.
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