Le licenciement annoncé au salarié lors d’une conversation téléphonique, avant l’envoi de sa lettre de licenciement, est verbal et donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle est considéré abusive, peu importe que l’employeur justifie cette démarche par la volonté d’épargner au salarié l’annonce publique de cette rupture (Cass. soc., 3 avril 2024, n°23-10.931).
Après l’avoir convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, l’employeur qui décide de licencier un salarié doit lui notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette dernière doit comporter l’énoncé du ou des motifs de rupture du contrat de travail (C. trav. art. L 1232-6). Le licenciement verbal, qui par définition n’est pas motivé, est systématiquement jugé sans cause réelle et sérieuse (jurisprudence constante, voir notamment Cass. soc. 23 juin 1998 n° 96.41.688).
Il faut noter que malgré l’irrégularité de cette rupture abusive, le licenciement verbal rompt le contrat de travail (Cass. soc. 12 mars 1992 n° 90-44.174). Mais il ne peut pas être régularisé par l’envoi postérieur d’une lettre de licenciement (Cass. soc. 28 mai 2008 n° 07-41.735 ; Cass. soc. 12 novembre 2002 n° 00-45.676).
Par un arrêt du 3 avril 2024, la Cour de cassation rappelle le risque encouru par l’employeur qui prévient téléphoniquement un salarié de son licenciement le jour même de l’expédition de sa lettre de licenciement.
Le licenciement d’un salarié, qui en est informé par téléphone, est considéré comme verbal, et donc de rupture abusive, si l’appel téléphonique a eu lieu avant l’envoi de la lettre de licenciement.
En l’espèce, après avoir été contacté par téléphone le 7 février 2019 par la directrice des ressources humaines de son entreprise qui l’a informé de son licenciement, un salarié reçoit par la suite une lettre de licenciement pour faute grave postée le même jour. Estimant avoir fait l’objet d’un licenciement verbal, il saisit la juridiction prud’homale afin de contester la rupture de son contrat de travail.
Pour sa défense, l’employeur fait savoir que la société a prévenu le salarié de son licenciement par téléphone le jour même de l’envoi de la lettre de licenciement par courtoisie, afin de lui éviter de se présenter à une réunion et de se voir congédier devant ses collègues de travail.
La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir jugé le licenciement du salarié sans cause réelle ni sérieuse.
La Cour d’appel avait constaté que le salarié apportait la preuve qu’il avait été informé verbalement de son licenciement lors d’une conversation téléphonique avec la directrice des ressources humaines de l’entreprise, et que cette conversation avait eu lieu avant l’envoi de la lettre de licenciement. Les déclarations du salarié étaient corroborées par le témoignage de deux collègues qui avaient entendu la conversation, car il avait activé le haut-parleur du téléphone.
Les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, rappellent qu’un appel téléphonique ne peut pas suppléer la lettre de licenciement adressée ultérieurement. Ce principe s’applique même si la lettre de licenciement est adressée au salarié le jour même, sous la signature de l’auteur de l’appel téléphonique. Dès lors, la Cour d’appel ne pouvait qu’en déduire que le salarié avait été licencié verbalement et que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse. Il importe peu, à cet égard, que l’employeur ait voulu épargner au salarié l’annonce publique de son licenciement.
Il faut noter que la solution aurait certainement été différente si l’employeur avait pu démontrer que la lettre de licenciement avait été postée avant la conversation téléphonique.
En effet, la Cour de cassation, qui juge de manière constante que la rupture du contrat de travail se situe à la date où l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est-à-dire au jour de l’envoi de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception notifiant le licenciement (Cass. soc. 6 mai 2009 no 08-40.395 ; Cass. soc. 28 septembre 2022 n° 21-15.606), accorde une attention particulière à la chronologie des faits.
Elle a ainsi jugé dans un arrêt de 2022 qu’une cour d’appel ne peut pas décider que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que le salarié a été licencié verbalement par téléphone concomitamment à l’envoi du courrier de licenciement, sans rechercher si ledit courrier n’a pas été expédié avant la conversation téléphonique (Cass. soc. 28 septembre 2022 n° 21-15.606).
Dans l’arrêt du 3 avril 2024, le témoignage des collègues du salarié a été déterminant pour permettre aux juges d’établir cette chronologie. Il est donc conseillé à l’employeur qui souhaite, par courtoisie, informer verbalement son salarié de son licenciement, d’envoyer la lettre de rupture du contrat de travail avant cette conversation.
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