Si l’accord collectif permettant le recours au forfait en jours, n’est pas conforme aux dispositions de l’article L. 3121-64 du code du travail précisant le champ de la négociation collective, les dispositions de l’article L. 3121-65 du même code relatives au non-respect des dispositions supplétives doivent être respectées.
La sanction pour non-respect des dispositions supplétives est sans équivoque : la convention est nulle
(Soc., 10 janvier 2024, n°22-15.782)
La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 a procédé à la sécurisation juridique des conventions individuelles de forfait. L’insuffisance de l’accord collectif peut désormais être comblée par une décision unilatérale de l’employeur. Ce dernier peut valablement conclure, s’il remplit certaines conditions, une convention de forfait en jours même en présence d’un accord collectif incomplet. Rappelons toutefois, que même incomplet, un accord collectif autorisant le recours au forfait jours est toujours nécessaire.
Aux termes de l’article L. 3121-65 du code du travail, en l’absence de stipulations conventionnelles relatives au suivi des salariés soumis à une convention de forfait en jours, l’employeur peut toujours valablement conclure une convention de forfait, si :
– il établit un document de contrôle mentionnant la date et le nombre de journées ou demi-journées travaillées. Ce document peut être établi par le salarié sous sa responsabilité ;
– il s’assure de la compatibilité de la charge de travail du salarié avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire ;
– il organise un entretien annuel avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
En l’espèce, la convention de forfait litigieuse reposait sur un accord collectif permettant de recourir au forfait-jours mais incomplet en ce qu’il ne prévoyait aucune modalité de communication régulière entre l’employeur et le salarié relativement à la charge de travail de ce dernier.
L’employeur avait unilatéralement mis en place un document de contrôle « faisant apparaître le nombre et la date des journées et demi-journées travaillées lorsque le salarié a validé les documents de suivi mensuel ». Mais le salarié indiquait être dans l’impossibilité de procéder à des modifications de ce document transmis par le service des ressources humaines. Enfin, l’employeur soutenait que l’absence de preuve de la tenue d’un entretien annuel de suivi n’est pas de nature à annuler la convention de forfait en jours. C’est en l’état que l’affaire se présente.
La question posée aux juges de la Cour de cassation était de savoir si les erreurs contenues dans le document de contrôle devaient être justifiées par le salarié ou s’il incombait à l’employeur de démontrer que ce document était en mesure de garantir une charge de travail concordante avec l’exigence de respect des temps de repos.
La réponse ferme des juges est de considérer que lorsqu’il y a des erreurs dans ce document, elles ne sont aucunement imputables au salarié puisque le document de contrôle doit être établi, en tout état de cause, sous la responsabilité de l’employeur.
Ce dernier doit alors vérifier, d’une part, que les informations sont conformes à la réalité des jours travaillés par le salarié et, d’autre part, qu’au regard de ces données, la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos.
Cette décision montre une fois de plus l’importance de l’exigence fondamentale de protection de la santé des salariés. L’employeur ne peut pas se permettre de traiter de manière artificielle la question du suivi de la charge de travail en vertu des normes internes et supranationales encadrant la santé des salariés. Le document de contrôle prend donc toute sa coloration par le droit de la santé au travail.
La présente décision est donc importante puisque la Cour de cassation rappelle avec force que l’établissement d’un document de contrôle tient de la responsabilité exclusive de l’employeur et que la véracité de son contenu doit être assurée par ce dernier ; l’employeur ne pouvant pas s’extraire de cette exigence au motif que le salarié aurait indiqué des données erronées. Cette obligation de contrôle peut donc être considérée comme découlant directement de l’obligation de sécurité de l’employeur. Cet arrêt rappelle également l’impératif pour l’employeur de réaliser, a minima, un entretien annuel relatif au suivi de la charge de travail et d’apporter la preuve de sa tenue.
Dans le cas présent, la Cour de cassation prononce la nullité de la convention de forfait au visa du régime dérogatoire de l’article L. 3121-65 du code du travail. Elle précise à ce titre que le non-respect des dispositions supplétives rend nulle cette convention. La Cour affine donc sa jurisprudence en précisant avec force qu’il ne suffit pas de prévoir des mesures de contrôle de la charge de travail, il faut également s’assurer du respect des trois mesures cumulatives prévues.
Le non-respect des dispositions supplétives ou de tout autre règle juridique peuvent rendre nulles les clauses d’un contrat de travail. Notre cabinet conseille et accompagne ses clients d’Antibes à Aix-en-Provence ; contactez-nous si souhaitez être épaulé dans la rédaction de vos contrats.
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