Une faute de l’employeur même commise hors du travail peut justifier la prise d’acte de la rupture
Le manquement professionnel suffisamment grave de l’employeur à ses obligations contractuelles peut justifier la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié, peu important que ses agissements se soient déroulés hors temps et lieu de travail.
C’est au salarié de rapporter la preuve que l’employeur a commis ce manquement (Cass. soc., 19 janvier 2005, n°03-45.018) faisant obstacle à la poursuite des relations contractuelles (Cass. soc., 30 mars 2010, n°08-44.236).
Tel est le cas, par exemple, lorsque l’employeur porte atteinte à l’intégrité physique ou morale du salarié sur le lieu de travail (Cass. soc., 8 juin 2011, n° 10-15.493).
Dans un arrêt rendu le 23 janvier 2013, la Cour de cassation a approuvé les juges du fond ayant décidé que des évènements, bien qu’ayant eu lieu à l’extérieur de l’entreprise, caractérisaient un manquement grave de l’employeur à ses obligations contractuelles (Cass. Soc., 23 janvier 2013, n°11-20.356).
En l’espèce, l’employeur avait fait irruption brutalement dans le club de bridge où se trouvait le salarié, qui était en arrêt de travail. Il avait alors remis en cause avec véhémence l’état de santé de l’intéressé et exigé qu’il lui remette son arrêt de travail. Agressé publiquement, le salarié, choqué, s’était trouvé dans un état de sidération nécessitant le secours des personnes présentes.
Les faits invoqués par le salarié à l’appui de sa prise d’acte portaient en effet sur un différend d’ordre professionnel. Un fait étranger à l’activité professionnelle ne pourrait donc pas justifier une prise d’acte de la rupture.
Cette solution est à rapprocher de certaines décisions rendues par la Cour de cassation ayant retenu une faute contractuelle pour des faits survenus en dehors de l’entreprise :
– ainsi, il a été jugé que le fait pour un salarié d’abuser de son pouvoir hiérarchique dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles constituait un harcèlement sexuel même si les agissements avaient lieu en dehors du temps et du lieu de travail (Cass. soc., 11 janvier 2012, n°10-12.930),
– parallèlement, un fait relevant de la vie personnelle du salarié peut justifier son licenciement pour faute s’il se rattache à sa vie professionnelle. Par exemple, la Cour de cassation a admis la possibilité pour une compagnie aérienne de licencier pour faute grave un steward ayant consommé des drogues dures pendant des escales entre deux vols dans la mesure où ce comportement présente un risque pour la sécurité des passagers (Cass. soc., 27 mars 2012, n°10-19.915).
Me Stéphanie Jourquin, Avocat en droit du travail à Nice