Un salarié peut obtenir en référé les fiches de paie de collègues pour établir une discrimination
Le salarié qui s’estime victime d’une discrimination peut demander en référé la communication par l’employeur de documents en sa possession (contrats de travail, fiches de paie…) permettant de comparer sa situation avec celle de ses collègues.
La Cour de cassation offre aux salariés s’estimant victimes d’une discrimination un moyen de réunir les éléments de preuve permettant d’établir qu’ils ont bien été discriminés.
En l’espèce, deux salariés s’estimaient victimes de discrimination aux motifs que certains de leurs collègues percevaient une rémunération plus élevée et étaient classés dans une catégorie supérieure. Ils ont donc demandé, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, à la juridiction prud’homale de référé que l’employeur leur communique différents éléments d’information concernant ces salariés (contrats de travail, avenants, bulletins de paie, montant des primes distribuées depuis 10 ans, tableaux d’avancement et de promotion). Pour s’y opposer, l’employeur faisait valoir que leur requête portait atteinte à la vie personnelle des autres salariés et au secret des affaires et opérait un renversement de la charge de la preuve, les salariés ne fournissant pas le moindre élément susceptible d’étayer leurs soupçons. A tort, a estimé la Cour de cassation approuvant la Cour d’appel d’avoir fait droit à la demande des salariés (Cass. Soc., 19 décembre 2012, n°10-20.526).
L’article 145 du Code de procédure civile permet, avant tout procès sur le fond, de demander en référé la communication d’éléments de preuve dont une partie dispose et dont dépend la solution du litige. Cette procédure n’est pas limitée à la conservation des preuves et peut aussi tendre à leur établissement.
Pour la Cour de cassation, le respect de la vie personnelle des salariés et le secret des affaires ne constituent pas un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 précité, dès lors que le juge constate que les mesures demandées procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les sollicite.
L’appréciation du motif légitime relève du pouvoir souverain des juges du fond. Ces derniers ont donc pu décider que le salarié qui s’estime victime d’une discrimination justifie d’un motif légitime à obtenir en référé la communication de documents nécessaires à la protection de ses droits, dont seul l’employeur dispose et qu’il refuse de fournir.
En effet, en cas de discrimination, il appartient au salarié d’établir les éléments de faits laissant supposer l’existence de cette discrimination. Ces éléments sont donc nécessaires à la protection de ses droits. Or, en matière salariale, seul l’employeur dispose des informations relatives au montant des rémunérations versées à son personnel, le salarié n’ayant aucun moyen de connaître exactement celles de ses collègues.
En conséquence, les salariés justifiaient bien d’un motif légitime puisque, pour voir aboutir leurs demandes, ils devaient produire des éléments connus seulement de l’employeur. Par ailleurs, les juges ont relevé que cette demande n’opérait pas un renversement de la charge de la preuve, dans la mesure où il appartiendra aux parties, au vu des documents communiqués, de démontrer l’existence ou l’absence de discrimination, fondement de l’action en justice éventuelle des salariés.
Me Stéphanie Jourquin, Avocat en droit du travail à Nice