L’action prud’homale court à partir de la date du 1er jour du deuxième contrat CDD
Dans un arrêt du 5 mai 2021 (Cass. Soc., 5 mai 2021 ; n°19-14.295), la chambre sociale de la Cour de cassation a pris la décision suivante : en cas de violation du délai de carence entre 2 CDD successifs, le point de départ de l’action en requalification est constitué par le premier jour d’exécution du second contrat.
Délai de carence entre 2 CDD : qu’est-ce qu’un CDD et dans quel cas l’employeur peut-il recourir au CDD ?
Le contrat à durée déterminée est un contrat exceptionnel qui peut être utilisé uniquement dans les cas limitativement énumérés par la loi pour un besoin temporaire précis :
- Il ne peut en effet avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (articles L 1242-1 et L 1242-2 du Code du travail).
- Il ne peut pas être utilisé pour faire face à un besoin structurel de main d’œuvre.
A défaut, le contrat sera requalifié en contrat de travail à durée indéterminée.
L’article L.1242-1 du Code du travail prévoit les cas dans lesquels le contrat à durée déterminée est possible. Ainsi : - Le remplacement d’un salarié absent ;
- L’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;
- Les emplois à caractère saisonnier ;
- Le remplacement d’un chef d’entreprise, industrielle, artisanale ou commerciale d’une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l’activité de l’entreprise à titre professionnelle, d’une société civile de moyens ou d’une société d’exercice libéral ;
- Le remplacement du chef d’une exploitation agricole ou d’une entreprise mentionnée aux article 1° et 4° de l’article L.722-1 du Code rural et de la pêche maritime, d’aide familial, d’un associé d’exploitation, ou de leur conjoint mentionné à l’article L.722-10 du même code dès lors qu’il participe effectivement à l’activité de l’exploitation agricole ou de l’entreprise.
Est-il possible de faire succéder deux contrats à durée déterminée ? Et qu’est-ce que le délai de carence entre 2 CDD ?
L’employeur peut décider de faire se succéder des contrats à durée déterminée. Mais par principe, il n’est pas possible de conclure sans interruptions des contrats successifs avec le même salarié (Article L.1244-1 du Code du travail). Pour réengager le même salarié en CDD, l’employeur devra obligatoirement respecter un délai d’interruption. C’est ce que l’on appelle le délai de carence entre 2 CDD. Ce délai n’est exigé que si la succession de CDD porte sur le même poste de travail.
Il se calcule de la manière suivante :
- le tiers de la durée du contrat, renouvellement(s) inclus, si la durée de ce contrat est au moins égale à 14 jours ;
- la moitié de la durée du contrat, renouvellement(s) inclus, si la durée de ce contrat est inférieure à 14 jours.
Les jours pris en compte pour apprécier le délai conventionnel ou légal devant séparer les deux contrats sont les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement concerné (c. trav. art. L. 1244-3 et L. 1244-3-1). Si l’employeur ne respecte pas le délai de carence entre 2 CDD, le salarié peut saisir le Conseil de Prud’hommes pour faire requalifier son contrat en contrat de travail à durée indéterminée.
Le délai de prescription des actions en requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée a successivement été réduit de trente à cinq ans puis de cinq à deux ans, par les lois n° 2008-561 du 17 juin 2008 et 2013-504 du 14 juin 2013.
Dans l’espèce soumise à la chambre Sociale de la Cour de cassation du 5 mai 2021, une salariée avait été engagée en qualité d’aide cuisinière sous plusieurs CDD de remplacement non successifs du 24 avril au 11 septembre 2009. Le 1er septembre 2009, les parties avaient conclu un contrat pour un surcroît d’activité pour la journée du 12 septembre 2009.
La salariée a saisi le Conseil de prud’hommes au motif que le délai de carence n’avait pas été respecté entre le dernier CDD et le contrat de travail temporaire motivé par le surcroit d’activité.
La Cour d’appel a déclaré la demande prescrite, en retenant comme point départ du délai de prescription la date du contrat litigieux, à savoir le dernier CDD du 12 septembre 2009. La chambre sociale a rappelé :
- d’une part, que la conclusion de contrats à durée déterminée pour un surcroît d’activité n’entre pas dans le champ d’application de l’article L. 1244-1 du code du travail,
- d’autre part, que le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur le non-respect du délai de carence entre deux contrats successifs prévu à l’article L. 1244-3 du code du travail, court à compter du premier jour d’exécution du second de ces contrats.
Par conséquent, elle en a déduit que le délai de prescription d’une action en requalification d’un CDD en CDI court à compter du premier jour d’exécution du second de ces contrats de travail (12 septembre 2009) et non pas, comme l’avait retenu la Cour d’appel, à compter du jour de la signature du premier contrat (soit en l’espèce le 1er septembre 2009). L’action de la salariée était donc non prescrite au jour de sa saisine prud’homale.
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