L’employeur ne peut pas consulter les conversations d’un salarié sur une messagerie instantanée personnelle sans méconnaître le secret des correspondances (Cass. soc., 23/10/2019 n°17-28.448).
Rappel
La messagerie instantanée, dialogue en ligne, chat permet l’échange instantané de messages textuels et de fichiers entre plusieurs personnes par l’intermédiaire d’ordinateurs, de tablettes ou de téléphones portables connectés au même réseau informatique, plus communément à internet. Contrairement au courrier électronique, ce moyen de communication permet de conduire un dialogue interactif.
Parmi les plus connues, on peut citer : MSN MESSENGER, WHATSAPP, MESSENGER, MICROSOFT ONLINE SERVICES, etc.
Il y a encore peu de jurisprudence sur le contrôle par l’employeur d’une messagerie instantanée installée sur l’ordinateur professionnel. On peut d’ores et déjà établir une distinction selon qu’il s’agit d’une messagerie professionnelle ou d’une messagerie strictement personnelle.
La messagerie instantanée personnelle est protégée par le secret des correspondances
Une salariée engagée en qualité de secrétaire est licenciée pour faute grave. L’employeur lui reprochait d’avoir, au moyen d’une messagerie instantanée installée sur son ordinateur professionnel, communiqué à une autre salariée des documents confidentiels à propos de collègues. Elle n’aurait dû ni consulter ni divulguer les documents en question.
La salariée conteste son licenciement, jugeant que l’employeur a accédé à ces échanges en violation du secret des correspondances. Et en effet, les juges du fond reconnaissent une violation par l’employeur du secret des correspondances de la salariée. En effet, il s’agissait d’une messagerie instantanée personnelle. Les faits se sont déroulés en 2006 et la salariée utilisait « MSN ».
La Haute Juridiction donne raison à la salariée (Cass. soc., 23/10/2019 n°17-28.448). Elle applique le raisonnement déjà adopté à propos des courriels adressés ou reçus sur une messagerie personnelle, distincte de la messagerie professionnelle. Ces derniers étant nécessairement à caractère privé et couverts par le secret des correspondances (Cass. soc. 26/01/2016 n°14-15.360 ; Cass. soc. 7/04/2016 n°14-27.949).
Il en résulte que l’employeur ne peut valablement ni les consulter ni s’en prévaloir devant le juge. Et ce, même si cette messagerie personnelle a été installée ou consultée par le salarié sur l’ordinateur mis à sa disposition par l’employeur.
On rappelle en outre que le délit de violation du secret des correspondances est passible d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende (226-15 C. pén.).
A notre avis :
- En revanche, même s’il n’a pas le droit de consulter les messages échangés sur la messagerie personnelle, dans la mesure où le salarié s’y connecte au moyen de son ordinateur professionnel et, peut-on le supposer, sur son temps de travail, une utilisation excessive de cette messagerie instantanée personnelle devrait pouvoir être sanctionnée par l’employeur.
- L’utilisation du matériel informatique de l’entreprise à des fins personnelles est en effet abusive si le salarié y consacre trop de temps au détriment de son travail.
L’abus, s’il est établi, peut justifier une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement, le cas échéant pour faute grave (Cass. soc. 18/03/2009 n°07-44.247 ; Cass. soc. 26/02/2013 n°11-27.372).
Qu’en est-il d’une messagerie instantanée professionnelle ?
La technologie a évolué depuis cette espèce et les messageries instantanées installées pour les besoins de l’activité professionnelle du salarié sont devenues courantes.
Si on raisonne à partir de la jurisprudence de la Cour de cassation rendue à propos des fichiers enregistrés sur l’ordinateur et des boîtes mails professionnels, les conversations tenues sur ces messageries devraient être présumées professionnelles si elles ne sont pas explicitement identifiées comme personnelles ou privées. Ainsi, l’employeur peut les contrôler librement en l’absence du salarié (Cass. soc. 18/10/2011 n°10-26.782 ; Cass. soc. 16/05/2013 n°12-11.866).
Cependant, même valablement consultés, les courriels du salarié ne peuvent être invoqués à l’appui d’une sanction disciplinaire mais seulement si leur contenu est en rapport avec son activité professionnelle et ne revêt pas un caractère privé (Cass. soc. 2/02/2011 n°09-72.449, 09-72.450 et 09-72.313).
Concernant les messages identifiés comme personnels, l’employeur ne peut pas les consulter hors la présence du salarié (Cass. soc. 2/10/2001 n°99-42.942).
Il peut demander au juge de désigner un huissier de justice à cette fin s’il justifie d’un motif légitime. Le procès-verbal, établi par ce dernier après ouverture du courriel en présence du salarié, peut être retenu comme preuve d’un manquement de l’intéressé à ses obligations contractuelles (Cass. soc. 23/05/2007 n°05-17.818 ; Cass. soc. 10/06/2008 n°06-19.229).
Cependant, dans la mesure où il est techniquement difficile d’identifier comme personnels certains éléments d’une messagerie instantanée professionnelle, des débats futurs pourraient s’ouvrir à l’occasion de prochains contentieux sur ces questions, notamment à l’aune d’un arrêt européen rendu à propos du contrôle par un employeur roumain des messageries instantanées professionnelles de ses salariés.
À cette occasion, la Cour de Strasbourg a délivré une feuille de route à destination des juridictions nationales, invitant celles-ci à examiner notamment l’étendue de la surveillance opérée par l’employeur et le degré d’intrusion dans la vie privée du salarié, ainsi que les motifs avancés par l’employeur pour justifier cette surveillance (CEDH 5/09/2017 n 61496/08).
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